ChevalierDeLaBarre

L’histoire intime des Chevaliers Photographes

Un couple

Deux hommes bi, pansexuels, amoureux des femmes : une histoire taboue, invisible ? Peut-être. Et c’est bien ce qui nous a poussé à nous montrer, nous rendre public, parce que ce qui est invisible n’existe pas. Du plaisir que nous avons pris, donné, échangé, nous avons voulu en garder la trace, et partager ces moments qui nous semblaient aussi dingues que jubilatoires. Donner à voir cette liberté sexuelle que nous avions acquise par le simple lâcher prise. Montrer que cela était possible. D’abord, nous avons photographié ces moments avec nos téléphones portables. Et avant de les poster sur certains réseaux sociaux, nous prêtions attention à ce que chacune de nos photos dégageait. Nous ne voulions que du beau, que du bonheur, que de l’extase, du rire, de la jouissance, de l’orgasme. Nous voulions documenter ce que nous vivions. Et de cette volonté de partage, nous avons voulu nous exposer. Des téléphones portables, nous sommes passés à un appareil photo. Pour une meilleure définition, de plus beaux cadrages, un travail plus soigné…Et c’est ainsi que les Chevaliers sont devenus Photographes.

Notre envie et notre plaisir de partager nos moments, notre intime, s’est mêlée à une envie (un besoin ?) de revendication.

L’histoire

2017. Juste avant Noël. Le 22 décembre pour être précis. On s’est rencontrés lors un trio. Au commencement était la Femme, amante de l’un de nous deux, qui voulait « coquiner » (oui, c’est comme ça qu’on disait alors : « coquiner ») en trio avec un autre homme, bi. Bi, impérativement, pour pouvoir démultiplier les plaisirs. Pourquoi se limiter ? Elle, elle aimait ça, voir deux hommes s’amuser ensemble. Et Lui, il était clairement dans cette même recherche.

Après plusieurs prises de contact avec des hommes seuls inscrits sur un site libertin, un trio a pu s’organiser. Chez elle. Petite soirée sympathique, avec un apéritif et un repas sympathique pour discuter, se connaître, se connaître mieux, tous les trois. Puis le moment où les corps se sont rencontrés. Et au-delà de ce trio, il s’est créée entre nous deux une osmose pour le moins immédiate, qui n’a laissé place à aucun doute. La nuit a été torride, et au petit matin, il fallait se séparer. Quelques jours plus tard, le 3 janvier 2018, on a voulu remettre ça. Revivre ce trio.

On s’est donné rendez-vous dans un hôtel, quartier Montmartre. Après des retrouvailles débridées, on est partis pour une balade joyeuse, histoire de prendre l’air, profiter de l’ambiance nocturne de ce quartier mythique. Traversant le square Montmartre, on croise la statue du Chevalier de la Barre. L’histoire de cet homme condamné pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables » à faire amende honorable, à avoir la langue tranchée, à être décapité et brûlé. Son crime ? Avoir passé à vingt-cinq pas d’une procession sans ôter son chapeau qu’il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux, d’avoir chanté une chanson impie, d’avoir rendu le respect à des livres infâmes (> sources). Il y avait, dans ces livres, le dictionnaire philosophique de Voltaire

Voltaire, justement, qui n’assistera pas à son exécution, mais à qui on raconte la scène, la relate ainsi : « Il monta sur l’échafaud avec un courage tranquille, sans plainte, sans colère et sans ostentation : tout ce qu’il dit aux religieux qui l’assistait se réduit à ces paroles : ‘je ne croyais pas qu’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose’ (> source)

Ça nous correspondait bien, ça, l’idée de ne pas nous prosterner face à la morale, à l’hétéro-norme sociale, aux préjugés homo ou biphobes.

Ca nous plaisait bien, ce pseudo quelque peu romanesque, relié à une histoire, et à un moment symbolique de cette rencontre autant inattendue que décisive dans nos vies.

Et ça nous allait bien, ça, de devenir un duo de Chevaliers, en référence, en mémoire, hommage au Chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre, libre penseur né le 12 septembre 1746 au château de Férolles-en-Brie et exécuté à Abbeville le 1er juillet 1766 à l’âge de 21 ans.

C’est ainsi que nous nous sommes auto-proclamés Chevaliers.